Lucette Desvignes, « Le Miel de l’aube » ( 2 / 2 ).

Mme DESVIGNES (mai 2013) retravailléeLucette DESVIGNES raconte la Libération, laissant derrière elle, « d’un seul coup, l’histoire, l’enfance, l’adolescence » (photo prise à Dijon, mai 2013).

Au cours de cette 2ème et dernière partie d’entretien avec Lucette DESVIGNES pour son autobiographie « Le Miel de l’Aube » ( Ed. de L’Armançon ), sous-titrée « Une enfance en Bourgogne sous l’Occupation », l’écrivain dijonnais revient sur la pénurie de nourriture, confiant qu’elle pleurait au lit parce qu’elle avait faim ; elle se souvient également des jours avec et des jours sans ( pain, viande, vin ), même si elle confesse avoir été « la seule à apprécier ce goût de fond d’artichaut qui écœura vite toute la France » : celui des topinambours.

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Après l’épisode de l’exode, Lucette DESVIGNES se rappelle la présence des Allemands dans l’école dont son père était directeur. Elle nous raconte aussi que la maison de campagne que possédaient ses parents, devenue Ortskommandantur, était alors occupée par deux commandants de l’armée allemande ; « quand ils levèrent l’ancre, pour faire voile vers le front russe, ils tinrent à nous rapporter cérémonieusement les clés de la maison à notre domicile de la ville. Ils les accompagnaient d’une bouteille de champagne. »

Le Miel de l'Aube (Ed. De Borée)« Le Miel de l’Aube (Ed. De Borée) » avec la légende suivante : Initialement paru aux Ed. de L’Armançon, « Le Miel de l’Aube » est désormais disponible en format de poche aux éditions De Borée.

Restés intacts, les souvenirs de Lucette DESVIGNES ressuscitent les années 1943-1944.

Elle ne peut oublier ce cousin qui faisait de la résistance dans un maquis du Clunysois et qui fut capturé à l’issue d’un parachutage d’armes : « mais c’est seulement bien plus tard qu’on nous apprit sa déportation à Mathausen, et les détails des conditions de sa fin me font encore grelotter le cœur […] .»
Elle aurait aimé pouvoir s’engager plus dans la résistance. Avec une copine, elle alla chaque semaine fleurir la tombe d’un aviateur anglais abattu dans la région de Chalon-sur-Saône ; mais le gardien leur apprit que la tombe était surveillée, à cause précisément des fleurs qui y étaient posées, et il leur conseilla de cesser leurs visites. « […] j’avais besoin, si vainement, si petitement que ce fût, d’extérioriser dans un geste symbolique les remous profonds qui secouaient cette adolescence de guerre en territoire occupé. » Alors Lucette DESVIGNES aurait-elle voulu servir un réseau de Résistance ? « Voulu, certes. Pu, je ne sais pas. Je n’avais pas les qualités qu’il fallait. Je n’avais peut-être pas la résistance physique, peut-être pas le sang-froid nécessaire. » La jeune Lucette se livrera à quelques « activités antinazies » en collant sur les murs de la ville de Chalon-sur-Saône des « rectangles sur lesquels [ elle ] avai[t] peint en tricolore une croix de Lorraine au milieu du V de la Victoire. Il s’agissait par ce moyen de réveiller le pays. »
Si la collégienne Lucette DESVIGNES avait décidé de faire de l’allemand au collège pour être espionne, elle sut bien à l’avance que le Grand Café, « rendez-vous de la soldatesque germanique » à Chalon-sur-Saône, allait sauter.

« Je ne voudrais pas recommencer ma vie, mais si cela devait se faire, j’aimerais retrouver pour mes vingt premières années cette existence pauvre et studieuse qui me fut privilège. […] C’est peut-être pourquoi je me tourne vers cette aube, maintenant que j’arrive à mon crépuscule. L’aube où tout est indistinct encore, où le regard doit se fabriquer un passage. L’aube, l’heure blanche, l’heure d’albâtre, où les traînées de brume qui resteront là jusqu’au plein soleil de midi s’enlacent aux nuances de la lumière qui naît. L’aube, l’heure innocente qui ne sait pas encore s’affirmer ni même s’exprimer, l’heure qui s’offre, l’heure qui reçoit. L’heure du miel… Miel de l’aube. »

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