Dalya DAOUD, « Challa la danse » (Ed. Le Nouvel Attila).

Entretien avec Dalya DAOUD pour son premier roman « Challa la danse » (Ed. Le Nouvel Attila). Durant douze ans, elle a été rédactrice en chef de Rue 89 Lyon qu’elle a créé en 2012. Avant cela, elle a suivi des études de Lettres Modernes, pendant lesquelles elle a aussi été vendeuse de lingerie, serveuse dans un restaurant gastronomique, ouvrière dans une usine de cataphorèse puis dans une autre de production de dialyseurs, et cheffe de la rubrique musique à Lyon Figaro. Elle vit toujours à Lyon.

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Au nord de Lyon, dans un lotissement ouvrier enserré dans un cadre champêtre, logent dix familles, pour la plupart issues du Maghreb (Algérie, Tunisie). C’est le patron, arménien, qui l’a bâti à côté de son usine de textile. En marge du Village (avec une majuscule à l’initiale), de l’épicerie d’Yvette, de ses bars (Le Penalty, le café du Midi), de son église, de la ferme de Vincent Chambon et de son lama Pedro, Dalya Daoud relate leurs histoires de1983 à 1998 (des années Mitterrand à Chirac, avec la montée électorale du Front national de Jean-Marie Le Pen). Le roman rappelle aussi les attentats (Khaled Kelkal), la profanation du cimetière juif de Carpentras par des néo-nazis en 1990)…mais aussi l’assassinat du poète et chanteur algérien Matoub Lounès  en juin1998, en Kabylie. Plusieurs familles maghrébines cohabitent dans cet ilôt ouvrier dans une promiscuité parfois compliquée. À travers les familles Benbassa, Hamrouche, Taieb, mais également des Portugais et des Français de souche, Dalya DAOUD nous raconte leur vie quotidienne (les 3-8 à l’usine de tissage voisine, Lalla qui devient femme de ménage à l’auberge de la Brivonne, ou l’emploi saisonnier de Bassou au chenil et cimetière des animaux), et l’ennui qui terrasse la vie des adolescents de cette « petite banlieue (…) teinté(e) Maghreb« , « les après-midi narcotiques« , les cours au collège des Quatre Vents ou les promenades vers la Chapelle des brigands désespérément fermée.

Le roman s’intéresse aussi à l’apprentissage de la langue française; les parents ne savent ni lire ni écrire, sans parler de la prononciation (« Ta mère, elle parle tellement mal. La mienne a dix fois moins l’accent. »).

On s’attache à Bassou, fils chéri de Lalla Benbassa, grandissant sans trouver sa place au bourg ni chez ses cousins de banlieue, ainsi qu’au clan des filles, à Olfa et Jihane, dans leurs velléités d’émancipation des mœurs familiales. Il faut aussi s’attacher à Toufik Taieb, au physique ingrat, sans doute attardé mental, et « générateur exceptionnel de merdier, le petit fou du lotissement » dont tout le monde se moque en le qualifiant de « petit laideron« .

Ce roman vrai reconstitue ce que Dalya DAOUD a connu, dans son enfance, ce lotissement dans les monts du Lyonnais. Pétri de culture et de langue arabes, « Challah la danse«  est un hymne à la joie, musical et savoureux, qui montre que l’apprentissage d’une culture se fait aussi par le chant, la cuisine, l’amour et l’amitié, et jamais dans un seul sens.

Parlons cuisine car les plats défilent tout au long du roman : les boulettes de lasbane (semoule), le berkoukès (soupe de pâtes), les boules de louban, ou les escargots à la tunisienne (« des limaçons dont la laideur n’était plus recouverte d’aucune coquille.(…) ces petits nœuds recroquevillés qui nageaient dans un jus rouge vif. »

Un superbe roman, émouvant et drôle, que nous recommandons chaleureusement.

 

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